Exploitants agricoles : Tout savoir sur le coup de main bénévole

De nombreux accidents surviennent chaque année sur les structures agricoles à l’occasion d’un coup de main bénévole donné par un membre de sa famille ou par un voisin. Au drame personnel de chacun, s’ajoute la mise en cause de la responsabilité de l’exploitant en sa qualité de chef d’exploitation. De lourdes conséquences peuvent en découler (exemple : le remboursement des soins payés au titre de l’accident).

De même, des contrôles inopinés en vue de vérifier la situation des personnes occupées sur les exploitations peuvent être réalisés par l’inspection du travail accompagnée de la MSA et de la gendarmerie.

L’absence de déclaration préalable, tout comme le faux bénévolat ou la fausse entraide familiale, peuvent conduire à une verbalisation pour travail dissimulé.

Avec l’arrivée des beaux jours et très prochainement des travaux saisonniers de récolte, il est important de vous rappeler les notions de coup de main et de bénévolat, ainsi que la tolérance admise pour la transmission du savoir et de l’expérience.

Le bénévolat ou « le coup de main bénévole » n’est pas, en tant que tel, un statut…

De manière générale, les juges ont tendance à ne pas reconnaître le bénévolat exercé au profit d’une entreprise à but lucratif, surtout si elle est constituée sous forme sociétaire. De ce fait, le coup de main bénévole y est en principe exclu. Toutefois, il est toléré lorsqu’il est exercé pour répondre à une situation d’urgence non prévisible et de courte durée (exemple : aider à récupérer des animaux qui se sont échappés de leur enclos) ou dans le cadre familial.

Néanmoins, pour que cette tolérance soit retenue, l’aide apportée par un membre de la famille proche (ascendant, descendant, frère, sœur ou conjoint) doit être (conditions cumulatives) :

– ni durable ou régulière, mais effectuée de manière ponctuelle, occasionnelle et spontanée,

– ni accomplie dans un état de subordination, en dehors de toute rémunération et de toute contrainte,

– ni se substituer à un poste de travail nécessaire au fonctionnement normal de l’exploitation.

Si l’une de ces conditions n’est pas remplie, il s’agit d’une relation de travail et en l’absence de déclaration, le membre de la famille ne sera pas couvert en cas d’accident et les services compétents pourrons poursuivre pour travail dissimulé, dans le pire des cas.

Bref, vous l’avez compris si un de vos enfants ou votre conjoint vous aide de manière régulière le week-end ou lors de la période des récoltes et que celui-ci n’est pas déclaré, vous vous exposez au risque de voir leur « soi-disant statut » requalifié notamment en salarié. Cette requalification lourde de conséquences pourra intervenir lors d’une enquête réalisée par un agent de contrôle, mais aussi à l’occasion d’un accident survenu sur l’exploitation et dont la gravité est susceptible de déclencher une enquête sur les circonstances de ce dernier.

Vous devrez dès lors vous acquitter à la MSA des charges sociales afférentes à ce statut ainsi requalifié et vous pourrez vous faire poursuivre pénalement pour travail dissimulé.

La transmission du savoir et de l’expérience…

Dans le cadre d’une transmission de l’exploitation et du savoir-faire, le coup de main du retraité peut être toléré. Attention, ce dernier ne signifie pas continuer à travailler comme auparavant. Cette tolérance est soumise à certaines conditions.  Si la transmission de l’exploitation a lieu dans le cadre familial, le coup de main est autorisé (peu importe que le retraité ait conservé ou non une parcelle de subsistance) durant une période limitée à 12 mois. Le coup de main à son successeur sur son ancienne exploitation, c’est entre 10 et 15 heures en moyenne par semaine, et pas plus !

Si la transmission s’est faite en dehors du cadre familial, le retraité doit obligatoirement avoir conservé une parcelle de subsistance pour aider son repreneur. Dans cette situation, le coup de main est alors considéré comme de l’entraide qui impose un échange réciproque de services accessoires et gratuits entre le retraité et le nouvel exploitant.

Votre assureur ne peut couvrir des situations illicites…

Vous l’avez compris, Il est important, de ce fait, de bien distinguer le bénévolat des situations de travail non déclarées. D’autant plus qu’en cas d’accident d’un soi-disant bénévole, un assureur pourrait refuser les garanties prévues à l’un de vos contrats spécifiques pour les aides occasionnelles si les interventions de ce dernier sur l’exploitation étaient régulières ou planifiées. En toute état de cause, rappelez-vous, qu’aucune garantie n’est systématique et il vous appartient de vous rapprocher de votre assureur pour vérifier le niveau des garanties prévues dans vos contrats.

En cas de doute, notamment en période de récoltes, sécuriser votre activité en déclarant l’aidant…

Lorsqu’une personne n’ayant pas la qualité d’exploitant agricole (retraité, voisin non exploitant, ami, enfant, etc.) est amenée à intervenir sur un chantier agricole (moisson, ensilage, arrachage, etc.), afin de sécuriser votre entreprise notamment au regard d’éventuels contrôles ou accidents, nous vous recommandons fortement de déclarer cette personne à la MSA comme salarié via une déclaration d’embauche classique (ce qui sous-entend la réalisation des autres formalités administratives liées à l’embauche) ou via le nouveau TESA simplifié (outil MSA). Cet aidant aura alors un véritable statut !

A noter : en fonction des personnes intervenantes sur les exploitations agricoles, il existe d’autres statuts possibles : celui d’aide familial, de conjoint collaborateur, d’associé, etc.).

Bon à savoir : vos FDSEA 59 et 62 organisent depuis cette année, en partenariat avec la MSA NPDC, des formations « Réussir l’embauche d’un salarié via le nouveau TESA simplifié (CDD – de 3 mois) ».

D’ailleurs, il reste des places pour celle du jeudi 11 juillet 2024, à Avesnes-sur-Helpe. Pour plus d’info, cliquer ici.

Pour mémoire :

L’absence de déclaration préalable, tout comme le faux bénévolat ou la fausse entraide familiale, peuvent conduire à une verbalisation pour travail dissimulé.

A l’issue de cette verbalisation, des sanctions pénales peuvent être prononcées pouvant aller, pour une personne physique, jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.
D’autre part, des sanctions civiles sont également appliquées dont :

– le rappel des cotisations sociales avec des pénalités et des majorations de retard irrémissibles. Ce qui peut représenter plus de 7000 € par personne en cas de redressement dit forfaitaire !

– le remboursement de réductions et exonérations de cotisations dont l’employeur a pu bénéficier.

Guillaume SENESCHAL, juriste FDSEA 59